José, chargé de recherche et de documentation à bord
11 janvier 2020

« Dans une partie du monde, les gens veulent perdre du poids, et dans une autre partie, d’autres espèrent ne pas perdre leur vie en mer. »

José, chargé de recherche et de documentation sur l’Ocean Viking, occupe un poste aussi peu connu que stratégique. Il explique ses fonctions à bord et livre ses souhaits pour 2020.

1. Pouvez-vous vous présenter ainsi que votre position à bord de l’Ocean Viking ?

Je m’appelle José, j’ai 57 ans et je vis à Mayorque en Espagne. C’est ma première mission avec SOS MEDITERRANEE. Je suis officier de réserve dans la marine, capitaine de vaisseau, spécialisé dans l’intendance. J’ai rejoint l’Ocean Viking lors de sa 5e rotation en tant que chargé de recherche et de documentation. J’ai pour mandat de recueillir toutes les informations relatives à nos opérations et de rassembler des preuves pour documenter tout ce qui s’est passé en mer. Je note la chronologie des événements pendant les opérations de recherche et de sauvetage. J’enregistre et j’archive toutes les conversations (radio, VHF, téléphone, courriel), les actions et les décisions prises par l’équipe de l’Ocean Viking. Enfin, je suis à la trace le trajet de notre navire sur la carte électronique, y compris sur le radar. SOS MEDITERRANNEE est très transparente sur ses opérations.

Nous avons un journal de bord en ligne, que je mets à jour quotidiennement avec les principaux événements qui se sont produits. Sur ce site web (en anglais), toute personne intéressée peut trouver, au détail près, les éléments attestant de notre strict respect du droit maritime international en mer, notamment nos demandes systématiques aux autorités maritimes compétentes pour la coordination des opérations (y compris quand et à qui nous demandons un lieu sûr pour débarquer les rescapés à bord).  Ce travail permet à nos équipes de faire un retour précis sur nos actions et d’améliorer nos procédures. C’est aussi un outil très efficace pour témoigner de la situation en Méditerranée centrale, sachant que le témoignage constitue l’une de nos trois principales missions.   

2. Quels sont vos souhaits pour 2020 ?

Comme beaucoup de personnes de mon âge en Europe, je souhaite perdre du poids : une quinzaine de kilos ce serait bien, mais je me contenterais de dix. Ce souhait, qui est véritable, s’articule étonnamment bien avec un deuxième souhait, beaucoup plus profond. Je souhaite que les personnes qui vivent dans des conditions moins favorables que les populations européennes ou occidentales n’aient plus à prendre le risque de mourir en mer. Jusqu’à présent, c’est la seule option que les dirigeants des communautés internationales aient laissée aux personnes en danger en Libye. Elles n’ont pas d’autres moyens pour s’échapper de cet enfer que de prendre la mer dans des conditions très dangereuses : bateaux trop fragiles, quasiment ni eau, ni nourriture à bord, pas de gilets de sauvetage, mauvais temps…). Ainsi, dans une partie du monde, les gens veulent perdre du poids, et dans une autre partie, d’autres espèrent ne pas perdre leur vie en mer. Voilà qui résume assez bien, me semble-t-il, cette tragédie humaine et les inégalités dans le monde.

3. Quel message souhaitez-vous faire passer aux sympathisants de SOS MEDITERRANEE ?

Tout d’abord, je tiens à remercier tous nos soutiens pour leur contribution essentielle. Sans leur engagement, aucune de nos actions ne serait possible. Je suis très reconnaissant de la généreuse contribution des donateurs privés qui financent presque entièrement notre ONG. Ils permettent à SOS MEDITERRANEE de travailler dans les meilleures conditions possible, avec un bon navire comme l’Ocean Viking et des marins-sauveteurs professionnels, sans oublier un équipement de qualité qui optimise la sécurité des rescapés comme celle de l’équipage. Et il faut de l’argent. Chaque jour en mer coûte 14 000 euros. Mais l’argent n’est pas tout. J’ai beaucoup de gratitude pour les bénévoles qui prennent de leur temps pour sensibiliser le public en diverses occasions, que ce soit lors de festivals, de concerts, de conférences ou de séances de sensibilisation scolaire. Il est essentiel de toucher un large public et surtout d’expliquer aux nouvelles générations ce qui se passe en Méditerranée centrale. La situation ne pourra pas changer si les citoyens n’en sont pas conscients et ne comprennent pas le contexte difficile dans lequel nous évoluons. Tout ce soutien, réuni, fait de SOS MEDITERRANEE ce qu’elle est.

Crédits photo : Laurence Bondard / SOS MEDITERRANEE