Till, marin-sauveteur : « Chaque minute compte, c’est une question de vie ou de mort ! »
14 novembre 2019

L’hiver est à nos portes. La nuit tombe plus tôt, les températures dégringolent, le vent et la pluie s’intensifient et la mer se mue parfois en un monstre imprévisible, prêt à tout engloutir avec ses vagues atteignant plusieurs mètres de haut. Pour les petites embarcations perdues en mer et leurs occupants, ces conditions peuvent vite devenir fatales. Et pour les marins-sauveteurs comme Till, l’angoisse de ne pas les retrouver à temps est omniprésente.

1. A quoi s’expose-t-on lorsqu’on se risque en mer à cette époque de l’année ?

Les embarcations sur lesquelles les gens fuient [la Libye] n’ont pas de quille fixe. Ce sont souvent de simples bateaux pneumatiques. Cela les fait se tordre comme un ver dans les vagues. A partir de vagues de 1,5 mètres de haut, il existe déjà un risque important que ces bateaux chavirent, ou qu’ils se brisent simplement ! Imaginez avec des vagues allant jusqu’à 5-6 mètres !

Or si vous tombez à l’eau, à condition que vous soyez bon nageur ou que vous puissiez rester à flot d’une manière ou d’une autre, [vos chances de survie chutent rapidement avec la température de l’eau]. Si par exemple l’eau est à 15°C, vous serez inconscient en moins de deux heures. Alors pour des personnes paniquées et qui ne savent pas nager, il suffit de 2 à 5 minutes avant qu’elles ne coulent.

Et même pour une embarcation qui réussirait à rester à flot, l’humidité, la pluie, le vent, les nuages et l’absence de rayons du soleil font baisser rapidement la température de la peau, surtout si vous portez des vêtements mouillés. A bord de ce type de bateau, le risque d’hypothermie est donc sérieux.

2. Quels impacts l’hiver a-t-elle sur votre mission de recherche et de sauvetage ?

En hiver, les jours raccourcissent. Cela signifie que la recherche devient beaucoup plus difficile. En mer, il fait nuit noire. Vous n’avez que les projecteurs du navire, les projecteurs des canots de sauvetage et les lampes du casque. On ne voit rien en-dehors de ces faisceaux de lumière. Si une personne s’éloigne de la lumière, vous risquez de perdre définitivement sa trace.

Par ailleurs, lorsque nous recherchons les embarcations à la jumelle en pleine nuit, certains bateaux sont beaucoup plus difficiles à repérer, même par surveillance aérienne. Avec les jumelles, ce n’est en général qu’un petit point dans l’infini. Quand les vagues sont hautes, on les voit à peine.

Et l’on sait qu’avec la pluie, le froid et le vent, la probabilité que des urgences médicales surviennent est beaucoup plus élevée chez ces personnes en détresse en mer : chaque minute compte, c’est une question de vie ou de mort ! C’est pour ça que nous sommes beaucoup plus tendus avant une mission de sauvetage en hiver.

3. Comment se passe la vie à bord en hiver ?

L’Ocean Viking est imposant et stable : même avec des vagues de plusieurs mètres de haut, il n’y a aucun danger pour la vie des rescapés une fois à bord. Mais il roule beaucoup à ces moments-là alors on tombe les uns sur les autres, on trébuche…  Imaginez simplement la distribution de nourriture avec des vagues de trois mètres de haut. Vous devez constamment vous déplacer sur le navire. Vous montez rapidement des marches…

Le mal de mer constitue une difficulté supplémentaire en hiver – même pour l’équipage. Cela peut être épuisant. En plus, au moment d’une opération de sauvetage, le mal de mer peut devenir un facteur supplémentaire de danger pour les naufragés en raison de leur grand état de faiblesse.

A bord de l’Ocean Viking heureusement, des conteneurs ont été aménagés pour servir d’abris et protéger les rescapés du vent et de la pluie, même lorsque de grosses vagues frappent le navire. Leurs portes peuvent se fermer hermétiquement et les conteneurs reposent sur des pieds afin que l’eau puisse s’écouler. L’abri réservé aux femmes et aux enfants est isolé et dispose de radiateurs.

L’Ocean Viking est le seul navire de sauvetage civil vraiment adapté aux conditions hivernales dans les eaux internationales au large de la Libye.

Crédits photos : Isabelle Serro et Narciso Contreras / SOS MEDITERRANEE