Huit mille
8 novembre 2016

Vendredi 4 novembre au soir, il faisait doux sur le port de Catane, en Sicile. Dominant l’espace, un énorme paquebot blanc pavanait, illuminé comme à la parade. A son bord, entre équipage et passagers, on devait pouvoir compter pas moins de 8 000 personnes, capitaine en grand uniforme inclus. 

Au pied de ce monstre, mi-building, mi-bateau, tout de lumière et d’abondance, l’Aquarius de SOS MEDITERRANEE faisait grincer ses aussières dans l’ombre. Il arrivait du large pour une courte escale. Pour ce petit bateau orange, « 8000 », c’est le nombre de vies qu’il a contribué à sauver depuis le 26 février 2016, date du début de sa mission au large des côtes libyennes.

Ce soir-là pour l’Aquarius, pas de flonflon ni de champagne, pas de guirlandes ni de cotillons, juste un bout de quai austère avec à peine assez de lumière pour embarquer l’avitaillement, débarquer les équipes de secours et celles de MSF, et accueillir la relève. Pour l’Aquarius, pas de souvenir de fête, ni de bal, ni de concert, ni de festin, juste le souvenir d’une succession de jours et de nuits d’attente, ballotté par la mer, prêt à répondre aux appels de détresse. 

Ces appels ont retenti plus de 35 fois en 8 mois dans la timonerie de l’Aquarius, pendant sa veille au large de la Libye. A chaque fois, en y répondant, ses équipes de marins, de sauveteurs et de soignants ont pu sortir de l’eau ou épargner la vie à une population aussi nombreuse que celle qui arpentait ce vendredi soir-là les ponts, les cabines, les bars et les restaurants de son grand voisin, le paquebot blanc…

Par Philippe Rodier / SOS MEDITERRANEE

Crédits photos : Susanne Friedel