Retour en zone de sauvetage – 142 rescapés lundi matin
6 septembre 2016

Il est tôt ce lundi matin. Le premier quart de veille a débuté à 5 heures. La mer est calme et le soleil commence lentement à poindre à 6h30. A peine dix minutes plus tard, la sérénité de l’aube a laissé place à une activité intense à bord de l’Aquarius.

Vers 6h40, l’un des équipiers posté sur la passerelle repère une tache grise à l’horizon. Il s’agit d’un bateau pneumatique de grande taille et l’on distingue beaucoup de passagers à bord. Il est encore impossible d’en estimer le nombre, mais la procédure est toujours la même. Alerte.

La plupart des membres de MSF et de SOS MEDITERRANEE dorment encore mais il ne leur faudra que quelques instants pour être tous habillés et équipés en vue de l’opération de sauvetage imminente. Or le temps presse !

En seulement 20 minutes, nous avons atteint la zone d’opération, à 25 milles au nord de la côte libyenne. Le bateau pneumatique semble être en bon état, mais dangereusement surchargé de femmes, d’enfants et d’hommes. Au bout d’une demi-heure supplémentaire, nos canots de sauvetage s’approchent des personnes en détresse. La première équipe sur place fait le premier constat : 25 femmes et 8 enfants se trouvent à bord, et personne n’a l’air d’être blessé. On lance l’opération de sauvetage proprement dite. Pour  la nouvelle équipe de Recherche et Sauvetage de l’Aquarius, c’est une première.

Nous commençons par évacuer les femmes et les enfants ce matin. Les enfants sont jeunes, ils ont entre un et onze ans. Sur l’Aquarius, femmes et enfants seront hébergés dans un lieu d’accueil sécurisé installé par Médecins Sans Frontières à leur intention.

Pour l’ensemble de l’opération, qui a duré 2 heures, il aura fallu effectuer 8 navettes. A 9h30, les 142 réfugiés sont tous sains et saufs à bord de l’Aquarius. Ils viennent de 10 pays africains différents ; en majorité, ils sont originaires de Côte d’Ivoire, du Mali et de la Guinée Conakry.

« Vous nous accueillez avec paix, générosité et humanité, nous déclare l’un des jeunes hommes qui vient de recevoir un colis contenant nourriture, eau, couverture et vêtements. Jusqu’à présent, on ne nous accueillait qu’avec brutalité. Je vous remercie de tout mon coeur. »

Pendant que les hommes se font tant bien que mal une place sur le pont de l’Aquarius, les femmes et les enfants s’installent dans leur refuge. Au bout d’une petite demi-heure, nos 8 jeunes passagers ont déjà conquis le cœur de tous les membres de l’équipe. Presque tout le monde passe un instant à s’amuser avec ces mômes adorables, à plaisanter avec eux, à leur faire un sourire, à leur offrir un ours en peluche … pour recevoir un sourire radieux en échange.

Il est déjà midi et l’Aquarius navigue encore sur les eaux orientales de la Méditerranée, face à la côte libyenne, quand le Centre de Coordination de Rome nous contacte. On nous invite à virer vers l’ouest. Une opération de sauvetage est en cours de ce côté-là et ils ont besoin du renfort de l’Aquarius. La nature de l’assistance à apporter n’est pas encore définie mais plusieurs autres navires de sauvetage privés ont eux aussi porté secours à plusieurs centaines de personnes en détresse en mer.

Nos nouveaux membres de l’équipe de Recherche et Sauvetage (SAR) viennent donc d’effectuer leur première mission. Edouard, un Français, a exercé le métier de pêcheur et s’est également occupé d’enfants handicapés pour lesquels il a organisé des projets de vacances d’été.

« Je suis venu ici pour soutenir cette action. J’adhère complètement au principe de cette association et à la mission que nous accomplissons ici. C’est une oeuvre utile, tout simplement, et je veux y prendre part. Personne ne mérite d’être  perdu en mer et de ne se voir secouru par personne d’autre! Nous sommes là pour ça, et notre mission est indispensable. »

Edouard est l’un de nos bénévoles de l’équipe SAR ; son séjour à bord va durer 6 semaines.

Par René Schulthoff

Crédits photos : Marco Panzetti