Un portrait

Une histoire

Moussa

Soudan

Pays d'origine

18 ANS

Âge

« J’ai peur maintenant. Je sais ce qui nous est arrivé avec le Nivin. » Après presque deux semaines passées en mer, Moussa est anxieux lorsqu’il se remémore son retour forcé en Libye l’année dernière.

Tous les soirs, autour de 21h, les équipes de SOS MEDITERRANEE et Médecins sans Frontières (MSF) tentent de mettre les personnes au lit, ou plus exactement, de les allonger sur le pont en bois de l’Ocean Viking. C’est le seul endroit où la majorité des 356 rescapés peut dormir.

Dans la soirée du 19 août, pendant que des personnes se brossent les dents et se préparent tranquillement à se coucher, un jeune homme s’approche de moi avec son ami. Il me dit qu’il s’appelle Moussa et qu’il veut me raconter son histoire.

Moussa a 18 ans et est né au Soudan. Il n’a que 16 ans lorsqu’il quitte le Soudan pour se retrouver en Libye. Il est immédiatement capturé et placé dans le centre de détention de Beni Walid pendant six mois, où il sera torturé par électrocution et battu à plusieurs reprises.

C’est uniquement lorsqu’il a réussi à réunir assez d’argent qu’il a pu être relâché.

Il arrive alors à Tripoli, où il gagne la tristement célèbre « place du travail » [une place de la ville, connue des migrants qui viennent y chercher un petit boulot] et parvient à se faire embaucher dans la propriété d’une famille libyenne, comme ouvrier agricole. Après des mois de travail, n’étant pas payé, il trouve un moyen de s’enfuir et décide de quitter la Libye.

En novembre 2018, il tente sa première périlleuse traversée de la Méditerranée. « Nous sommes restés dans l’eau pendant 32 heures. Les réserves d’eau et de nourriture étaient épuisées et le désespoir commençait à nous gagner. C’est alors qu’un grand navire nous a secourus » explique-t-il.

« Ils nous ont dit qu’ils nous amèneraient en Sicile. Mais ils nous ont amenés au port de Misrata en Libye. »

Moussa et le reste des 81 rescapés étaient à bord d’un navire appelé « Nivin ».  Ils ont été interceptés par le cargo le 10 novembre, à 115 miles nautiques à l’est de Tripoli, après avoir quitté la Libye sur un radeau.

Le navire était resté au port de Misrata pendant presque deux semaines, les personnes à son bord refusant de débarquer, arguant qu’ils préféraient mourir que de retourner en Libye.

« J’étais terrifié à l’idée de quitter le navire, sachant ce qui m’attendait en Libye. Mais un jour, les forces armées du gouvernement libyen sont montées à bord et nous ont fait sortir de force. » explique Moussa.  

Moussa savait ce qui allait suivre. Lui et les rescapés sont placés en centre de détention, où la nourriture fait défaut, l’eau est salée et le passage à tabac quotidien. « Je connais des personnes qui y sont toujours » dit Moussa, qui a passé sept mois là-bas avant de parvenir à s’échapper.

« Ils nous menaçaient tous les jours, disant qu’ils nous ramèneraient au Soudan. Je ne pouvais pas retourner au Soudan, j’ai des problèmes là-bas. Les gardiens avaient leurs propres contacts extérieurs : ils venaient, nous choisissaient pour aller travailler et nous ramenaient de nuit…  C’est comme ça que j’ai réussi à m’échapper un jour », précise Moussa.

Deux mois après avoir fui le centre de détention, il décide de tenter la traversée à nouveau, en payant 2 000 dinars libyens [1 280 euros]. Cette fois, après avoir passé 16 heures en mer, il est secouru par l’Ocean Viking.

« J’ai peur maintenant. Je sais ce qui nous est arrivé avec le Nivin. Nous serons ramenés à nouveau en Libye » m’explique Moussa, les traits tendus.

Je l’ai regardé dans les yeux et lui ai dit « Je sais que c’est dur pour toi de me croire après tout ce qui tu as enduré. Mais je te promets que tu es en sécurité maintenant et qu’il est hors de question de te ramener en Libye. »

Textes et photo : Avra Fialas / SOS MEDITERRANEE

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