#44 – Alerte des ONG sur les blocages en mer et décision de la justice européenne en faveur du sauvetage.

Les ONG alertent sur le danger des blocages en mer et la Cour de justice de l’UE confirme la primauté du devoir de sauvetage, alors que les mois d’été entraînent un nombre élevé de traversées de la Méditerranée

Cette publication de SOS MEDITERRANEE a pour but de faire le point sur les évènements qui se sont déroulés en Méditerranée centrale au cours des trois dernières semaines. Il ne s’agit pas de livrer une revue exhaustive des faits, mais plutôt de fournir des informations sur l’actualité de la recherche et du sauvetage dans la zone où nous intervenons depuis 2016, sur la base de rapports publiés par différentes ONG et organisations internationales ainsi que par la presse internationale.

De multiples opérations de recherche et de sauvetage par des navires civils confrontés à de longs blocages en mer

Le 28 juillet, les autorités italiennes ont désigné Tarente, en Italie continentale, comme port de débarquement pour les 438 personnes toujours à bord du Sea Watch 3 après avoir été secourues lors de plusieurs opérations de sauvetage entre le 23 et le 24 juillet. Le 30 juillet, une semaine après le premier sauvetage, toutes les personnes rescapées ont pu débarquer dans un lieu sûr.

Le 29 juillet, à la suite d’une alerte de détresse lancée par la hotline civile Alarm Phone, le voilier Nadir, de l’ONG ResQship, a porté assistance à 120 personnes sur une embarcation surchargée à la dérive. L’équipe a fourni des services de premiers secours aux personnes rescapées en attendant que les garde-côtes italiens effectuent leur sauvetage le lendemain. Quelques heures plus tard, le 30 juillet, l’équipe a porté assistance à 85 personnes, dont certaines déshydratées et complètement épuisées, parmi lesquelles une femme enceinte. Le sauvetage s’est terminé par l’intervention des garde-côtes italiens qui ont mis les personnes rescapées en sécurité à Lampedusa. Le 2 août, dans l’après-midi, à la suite d’un appel de détresse relayé par Alarm Phone, le voilier Nadir a assisté une embarcation en fibre de verre surchargée et impropre à la navigation avec 35 personnes à bord, jusqu’à l’arrivée des garde-côtes italiens qui ont effectué le sauvetage.

Le 29 juillet, le Sea-Eye 4 a quitté le port de Messine en direction de la Méditerranée centrale et a effectué un premier sauvetage dans la zone de recherche et de sauvetage maltaise le 1er août. 88 personnes à bord d’une embarcation en bois ont été assistées par le voilier Nadir jusqu’à l’arrivée de l’équipe du Sea-Eye 4 qui les a transférées à bord du navire pendant la nuit. Au 10 août, 10 jours après le sauvetage, le Sea-Eye 4 n’a toujours pas de lieu sûr assigné pour le débarquement des personnes secourues.

Le 1er août, l’Ocean Viking a débarqué les 387 personnes secourues lors de cinq opérations entre le 24 et le 25 juillet dans le port de Salerne, en Italie continentale. Le débarquement a eu lieu 8 jours après le premier sauvetage.

Le 4 août, le port de Tarente a été affecté au Geo Barents, de Médecins Sans Frontières (MSF), pour débarquer les 659 personnes secourues lors de 11 opérations de sauvetage entre le 25 et le 28 juillet. Deux jours plus tôt, en attendant l’attribution d’un  lieu sûr, deux personnes avaient tenté de sauter par-dessus bord dans un acte désespéré. L’une d’elles a effectué une deuxième tentative. Une autre personne a exprimé des idées suicidaires à l’équipe de MSF. Le 5 août, le débarquement a commencé dans le port de Tarente, 9 jours après le premier sauvetage. Le débarquement s’est achevé le 6 août.

Le 5 août, le voilier Astral, affrété par l’ONG Open Arms, a porté assistance à 20 personnes en détresse sur une barque en bois. Elles ont pu être transférées sur un navire des garde-côtes italiens. Le 7 août, l’équipage de l’Astral a assisté deux embarcations  en détresse avec respectivement 38 et 43 personnes à bord, qui ont finalement été amenées à terre par les garde-côtes italiens. Le 9 août, l’Astral a porté assistance à sept personnes supplémentaire, d’une petite embarcation en détresse.

Le 9 août, le nouveau navire de l’ONG Open Arms, l’Open Arms Uno, a quitté le port de Barcelone pour sa première mission en Méditerranée centrale.

Le 3 août, dans un contexte de multiplication et d’allongement des blocages en mer, trois ONG – MSF, Sea-Watch et SOS MEDITERRANEE – ont appelé ensemble à «la mise à disposition de moyens maritimes de recherche et de sauvetage par les États européens en Méditerranée centrale afin de prévenir de nouveaux décès». À l’heure où était publié le communiqué de presse, le Geo Barents était toujours bloqué dans les eaux internationales avec 659 rescapé.e.s à bord, en attente d’un lieu sûr, et le Sea-Watch 3 ainsi que l’Ocean Viking avaient précédemment connu une longue période d’attente en mer avec respectivement 438 et 387 personnes à bord.

Les autorités italiennes, tunisiennes et libyennes actives en mer

Selon le journaliste italien Sergio Scandura, une embarcation avec 500 personnes à bord a été secourue par les garde-côtes italiens le 6 août. Trois navires italiens ont été utilisés pour cette opération. Les personnes rescapées ont ensuite pu être débarquées dans différents ports. Au total, selon le gouvernement italien, plus de 13 000 personnes sont arrivées en Italie par la mer en juillet 2022.

Dans la nuit du 6 au 7 août, les garde-côtes tunisiens ont effectué 17 opérations et ramené 255 personnes en Tunisie. Le 9 août, les corps de 6 personnes décédées ont été retrouvées par les garde-côtes tunisiens, alors que 20 autres personnes étaient secourues de la même embarcation.

Au cours de ces deux dernières semaines, selon l’Organisation internationale pour les migrations, 1093 personnes ont été interceptées et renvoyées de force en Libye par les garde-côtes libyens : 977 entre le 24 et le 30 juillet et 116 au cours de la période du 31 juillet au 6 août. Au total, 12 063 personnes ont été ramenées de force en 2022.

La Cour de justice de l’Union européenne réaffirme la primauté du devoir d’assistance en mer sur l’utilisation abusive des contrôles par les États du port.

Le 1er août, la Cour de justice de l’Union européenne a rendu un arrêt sur l’affaire liée à la détention des navires civils Sea-Watch 3 et Sea-Watch 4, respectivement à Porto Empedocle et Palerme, à la suite d’inspections de contrôle par l’État du port en 2020. La Cour de justice européenne a conclu que les autorités maritimes nationales, tout en ayant le droit d’inspecter les navires, ne devaient pas utiliser les inspections de contrôle pour détenir un navire sans pouvoir démontrer une menace pour « la sécurité, la santé ou l’environnement ». La Cour souligne la primauté de l’obligation d’assistance en mer, considérant que le nombre de personnes rescapées « ne doit pas être pris en compte lors de la vérification du respect des règles de sécurité en mer. Même si le nombre de personnes à bord est supérieur à celui qui est autorisé, ne saurait donc, en soi, constituer un motif de contrôle. » La Cour a ajouté qu’une autorité portuaire ne pouvait pas exiger une certification non reconnue par l’État du pavillon.


Photo : Candida Lobes / SOS MEDITERRANEE