Trois questions à Agnès Freschel, adjointe aux cultures et aux mémoires, Ville de Marseille
13 janvier 2021

(Droits photo : François Moura / ANDIA)

« Lorsque l’on considère les migrants comme des êtres humains, cela nous tient loin de notre propre barbarie, cela nous rappelle à notre propre humanité. » 

Les collectivités territoriales sont de plus en plus nombreuses à s’associer à SOS MEDITERRANEE pour porter sa mission de témoignage à terre auprès de leurs habitants. Dans le cadre d’un tout nouveau partenariat avec la Mairie des 1er et 7e arrondissements de Marseille, sur la Canebière, une série d’événements intitulée « SOS MEDITERRANEE : un engagement citoyen » se tiendra tout au long du mois de janvier jusqu’au 14 février 2021. Agnès Freschel, adjointe aux cultures et aux mémoires à la Mairie du premier secteur de Marseille, a accepté de répondre à nos questions.
 

1. Pourquoi avoir voulu ouvrir les portes de la Mairie à SOS MEDITERRANEE?

SOS MEDITERRANEE est une association que je soutiens depuis un moment à titre personnel.  Et comme élue d’un mouvement citoyen, ça m’a semblé tout à fait naturel de faire place à des associations, de leur céder la parole.

Pour moi, SOS MEDITERRANEE est le symbole même du sauvetage en Méditerranée. Lorsque l’on considère les migrants comme des êtres humains, cela nous tient loin de notre propre barbarie, cela nous rappelle à notre propre humanité. 

Exposer ces photographies de sauvetages en mer, de naufragés, sur l’artère mythique de Marseille, La Canebière, dans un lieu institutionnel et aussi en streaming, c’est rendre visible ce qu’on ne peut pas voir, ce qu’on ne veut pas voir parfois. C’est douloureux, certes, mais il est primordial de montrer ces images, car cette visibilité permet de ne pas nier cette réalité, de ne pas l’oublier.


Photo : l’exposition photo « Sauver, protéger, témoigner » a été accrochée le 4 janvier dans le Hall de la Mairie d’arrondissements sur la Canebière.
 

2. Qu’est-ce qui motive votre soutien  à titre institutionnel ?

Marseille est une ville qui s’est construite au fil des migrations, mais c’est aussi une ville déchirée aujourd’hui. Et c’est en travaillant sur sa mémoire, sur ses mémoires puisqu’elles sont plurielles, qu’on va pouvoir recoudre les différentes communautés qui composent le tissu marseillais, au passé comme au présent.

En tant qu’adjointe aux cultures et aux mémoires de Marseille, mon travail est de valoriser les arts, la création, la culture en fait, qui est indissociable des mémoires.  Or on ne peut regarder l’avenir qu’à la lumière de notre histoire. Marseille semble parfois mal à l’aise dans sa propre constitution, qui a trop tendance à opposer les communautés qui la composent au lieu de chercher ce qu’elles ont en commun. C’est pourquoi il faut accueillir des événements où interviennent des chercheurs, des associations comme SOS MEDITERRANEE, et leur donner la parole.

3. Quel regard portez-vous sur les événements et l’expo photo proposés ?

Parmi les différents événements proposés, j’aime beaucoup cette idée de faire une table-ronde sur le sauvetage en général, qui rassemble différents acteurs œuvrant dans des contextes variés. La dernière table ronde de janvier permet de faire le lien entre les migrations et les mémoires, puisqu’elle mettra en scène [l’association de sauvetage en mer] SOS MEDITERRANEE et l’association Ancrage, qui donne à réfléchir sur l’histoire de l’immigration à Marseille. 

Dans l’exposition photo « Sauver, protéger, témoigner », ce qui me touche, ce sont ces gestes, des mains tendues qui s’accrochent les unes aux autres. Le geste du sauvetage… Bien sûr, on est toujours touchés par les enfants. La mer est aussi omniprésente. Notre mer, qu’on aime, mais qui peut devenir menaçante : rien n’est stable, tout est flottant. Ce que j’apprécie enfin c’est l’absence de misérabilisme ou de sensationnalisme. C’est une expo qui prend le soin de ne pas montrer la mort même si on la devine derrière, sans jamais tomber dans le pathos.

Plus d’informations sur « SOS MEDITERRANEE : un engagement citoyen »

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