Un portrait

Une histoire

Robert

32 ANS

Âge

Robert n’est pas un rescapé de l’Aquarius. Congolais de 32 ans, il a lui aussi tenté de s’échapper vers un avenir meilleur. Parti du Burundi après avoir obtenu son diplôme, il a rejoint le Soudan du Sud avec un ami. Leur périple n’a duré quelques mois : la violence, les souffrances et les tentatives d’enrôlement dans l’armée, ont eu raison de leurs illusions.

« Après mes études universitaires en sciences de la communication, que j’ai suivies au Burundi jusqu’en 2013, j’ai démarré un stage de perfectionnement à Bujumbura, la capitale du pays. Je travaillais avec un ami burundais du nom d’Emery. Malgré un faible salaire, on gagnait assez pour vivre. C’est là que nous avons fait la connaissance d’un certain monsieur Gadhi, qui nous a laissé entendre que notre vie serait plus aisée si nous partions pour le Soudan du sud [le pays est indépendant depuis 2011, mais une guerre civile oppose depuis 2013 l’armée sud-soudanaise à des groupes d’opposition] : il nous faciliterait le départ, on trouverait facilement du travail là-bas et on pourrait gagner plus d’argent, avait promis monsieur Gadhi. Il s’appuyait sur sa propre expérience de taxi-moto à Djouba (1), qui lui rapportait jusqu’à 600 livres par mois [environ 450 dollars].

Avec Emery, nous avons donc décidé de tenter cette aventure, arrêté notre stage et cherché l’argent pour entreprendre le voyage. J’ai vendu tout ce que j’avais dans ma maison pour réunir les 500 dollars nécessaires au voyage. Nous avons quitté Bujumbura le 2 mars 2014, et sommes arrivés à Djouba après trois jours de voyage très difficiles.

Là-bas, nous avons trouvé tout le contraire de ce que monsieur Gadhi nous avait décrit : la vie était dure, il n’était pas simple de trouver du travail et la chaleur était étouffante. Emery et moi vivions dans une petite maison en bâche et en paille. On dormait quasiment dehors, à la merci des moustiques, car il faisait bien trop chaud pour se couvrir. Pour survivre, j’ai commencé à travailler dans un chantier comme aide-maçon : la vie était devenue très dure, nous avions perdu du poids. […] Après quatre mois de souffrances, j’ai trouvé du travail comme assistant cuisinier : je devais me réveiller vers 4 heures du matin pour cuire des haricots et laver les assiettes du restaurant. Tout ça pour 180 livres par mois !

Nous étions traumatisés par ce que l’on subissait chaque jour en tant qu’étrangers. A Djouba, l’eau est une denrée rare : nous devions nous laver au bord du Nil Blanc, parfois au risque de nous noyer. En ville, nous nous faisions contrôler régulièrement : comme nos Visas avaient expiré, on nous extorquait tout ce que nous possédions, même nos chaussures. D’autres étaient torturés ou tués sous nos yeux. Régulièrement, des gens entraient chez nous la nuit pour dérober tout ce qu’il y avait dans la maison.

Un jour, un policier nous a dit : « Qu’est-ce que vous êtes venus faire dans notre pays ? Il faut rentrer chez vous ! ». Il a même voulu nous enrôler de force dans l’armée pour aller combattre au Nord, là où la guerre faisait rage. Nous avons été sauvés grâce à l’appui d’un ami soudanais qui nous a fait échapper du camp en moto.

Devant tant de souffrances, nous avons finalement fait le choix de rentrer, Emery et moi. Je visactuellement à Bukavu, à l’est de la République Démocratique du Congo (RDC). Emery et moi-même sommes volontaires, et gagnons un peu d’argent, ce qui nous a permis de nous marier et de fonder une famille. Je n’ai plus aucune nouvelle des amis que j’ai laissés à Djouba en novembre 2014, mais j’ai appris le décès de deux d’entre eux ».

Photo : Hara Kaminara / SOS MEDITERRANEE

(1) Capitale du Soudan du Sud

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