Carnets d’Hippolyte, BD reporter à bord de l’Ocean Viking, épisode 3 – Un monde à deux vitesses

6 juillet. 

Je suis arrivé à Marseille. 

Depuis quatre jours les équipes de SOS MEDITERRANEE et mes contacts à terre ne dorment plus, pris dans la folie de l’attente du débarquement des 180 migrants à bord. 

« Le bateau est en Sicile et les rescapés n’ont toujours pas été débarqués. On ne sait toujours pas s’il va y avoir quarantaine ou pas pour le bateau et l’équipage. » 

J’ai enfin des nouvelles par Caroline Abu Sa’Da [Directrice Générale de SOS MEDITERRANEE Suisse], entre deux coups de fils et quatre nuits blanches. 

(…) 

Je comprends que non contents d’avoir mis le bateau en attente durant déjà 9 jours, les autorités pourraient décider de confiner l’équipage à cause de la Covid. 

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Après 20h de voyage en classe tout confort, je retrouve Guillaine à la Friche de La Belle de Mai. 

Rencontrée il y a des années à La Réunion, elle est tombée sur une discussion sur les réseaux où je parlais de mon voyage à venir à bord de l’Ocean Viking, et donc à Marseille. 

Avant de connaître la date de ma quatorzaine pour embarquer sur le bateau, je devais trouver un logement dans la cité phocéenne. Guillaine y est installée depuis 2 ans, après avoir travaillé dans la culture, les festivals à La Réunion, Paris, puis Avignon chaque année. 

Une profonde embrassade avec Amma et des convictions depuis longtemps ancrées au cœur, elle intègre l’équipe de bénévoles de SOS MEDITERRANEE de Marseille, porte d’entrée d’un monde activement solidaire. 

C’est son premier jour de travail à La Friche, je la laisse terminer sa journée en profitant d’une des terrasses du lieu, ensemble bigarré et cosmopolite, foncièrement ouvert sur le monde et la culture, où les effluves de fiers saucissons d’un petit marché de producteurs, installé pour l’après-midi, viennent chatouiller mes narines de néo-végétarien convaincu mais envieux. 

Guillaine me retrouve un Perrier plus tard, j’ai eu des nouvelles peu rassurantes de la situation à bord du navire et n’ai pas touché au saucisson. 

Ce soir elle me laissera son bel appartement au pied de la Bonne Mère, gardienne des marins qui, peut-être, distingue ce navire au loin, dans l’inconnu d’un débarquement vital. 

Moi je n‘aurai que peu d’attente, une belle table, un bon vin, de belles discussions, après une traversée du monde et de milles frontières irréelles en quelques heures. 

Un monde à deux vitesses. 

Démultipliées.