Viviana, sauveteur à bord de l’Aquarius
2 mars 2018

« Mon plus beau souvenir, c’est le jour où j’ai pris un nourrisson dans mes bras. »

Née sur les rivages de Sicile,  où elle a grandi, Viviana a trois passions : la mer, la rencontre d’autres cultures et le sauvetage. Elle est sauveteur à bord de l’Aquarius.

« Je suis née sur les rivages de Sicile, où j’ai grandi. J’ai toujours pratiqué les sports nautiques, c’est donc tout naturellement que je me suis tournée vers le sauvetage en mer. Cela fait cinq ans désormais que j’œuvre sur le terrain à l’accueil et l’accompagnement des réfugiés et demandeurs d’asile en Italie. J’ai commencé par travailler dans des centres d’accueil du SPRAR (Système de Protection des Demandeurs d’Asile) en Sicile. Je m’occupais surtout de l’administration : identification des réfugiés, relations avec les autorités policières, obtention de permis de séjour, demandes d’asile, etc.

Au bout d’un certain temps, j’ai éprouvé le besoin d’approfondir ma réflexion. J’ai alors passé un Master « Droits de l’Homme », spécialité « migration et développement », à la Faculté de sciences humaines de l’Université de Bologne. Mon mémoire traite du sauvetage en mer; il se base sur ma propre expérience à SOS MEDITERRANEE, en particulier à bord de l’Aquarius.             

Tout en travaillant au Centre d’Accueil « Hub Mattei » à Bologne, j’ai souvent coopéré comme bénévole à SOS MEDITERRANEE Italie. Aujourd’hui, je fais partie de l’équipe de sauvetage de l’Aquarius.

Une femme « à tout faire »

A bord, j’occupe différentes fonctions : pilotage de canot de sauvetage (RHIB), gestion logistique, assistance aux opérations sur le pont….Sans parler de la maintenance du navire, à laquelle tout le monde participe; et ça, c’est un vrai boulot de marin! A bord de l’Aquarius, j’ai vraiment l’impression de combiner les trois passions de ma vie: la mer, la rencontre et l’ouverture à d’autres cultures, et l’assistance aux personnes en danger.

Ici, nous ne sommes pas que sauveteurs en mer, nous jouons également un rôle humanitaire, puisque nous assistons l’équipe de Médecins sans Frontières lors de l’accueil des rescapés à bord. Nous participons ainsi à l’accompagnement médical des survivants que nous avons recueillis, au repérage des différents types de souffrances qui les affectent, à leur soutien psychologique, à la distribution des repas…

Pour le meilleur et pour le pire

Je crois bien que mon plus beau souvenir de l’Aquarius, c’est le jour où j’ai pris dans mes bras un nourrisson de quelques semaines alors que sa mère était hissée sur le navire. La peau du bébé était toute écorchée par la gale. Enveloppé dans sa couverture, il était léger comme une plume. Et moi, je me disais: « Sur ce bateau, nous pouvons au moins lui donner un peu d’espoir de vivre. »

Quant à mon pire souvenir, il est très récent. Il date de notre dernière opération, ou plutôt de notre dernière série d’opérations, au cours de laquelle nous avons secouru 4 embarcations en 2 jours. L’un de ces bateaux en détresse était vide. Nous avons trouvé des traces de vie: des vêtements qui flottaient ça et là, des bouteilles en plastique. Mais nous n’avons jamais pu savoir ce qu’il était advenu des passagers de ce canot pneumatique, s’ils avaient été recueillis, et dans ce cas, par qui et dans quelles conditions… Radeau-fantôme au milieu de la Méditerranée, comme tant d’autres dont nous ne saurons sans doute jamais rien… »

Un texte de Alexandre Dubuisson, traduit de l’anglais par Nicole Mausset

Photo: Laurin Schmid / SOS MEDITERRANEE