Retour en mer de l’Ocean Viking : 796* personnes secourues en janvier et février 2021
10 février 2021

Pour la première fois depuis le début des opérations de sauvetage avec l’Ocean Viking, nos équipes se sont retrouvées avec plus de 400 personnes rescapées à bord dont des jeunes enfants, des bébés, des femmes enceintes et des malades. Hier toute la journée et ce matin même, elles ont finalement pu débarquer à Augusta, en Sicile. Depuis le retour de l’Ocean Viking en Méditerranée centrale le 11 janvier dernier, 796* personnes ont été secourues par nos équipes tandis que les traversées continuent et que d’autres sont refoulées et renvoyées en Libye par les garde-côtes libyens.

Retour sur quatre sauvetages mouvementés en février

Elles sont originaires du Soudan (Nord), de la Côte d’Ivoire, du Mali, du Nigéria ou d’autres pays africains… En moins de 48 heures, un total de 423 personnes, parmi lesquelles 149 mineur.e.s dont 83% n’étaient pas accompagné.e.s et 37 femmes, ont été secourues par l’Ocean Viking la semaine dernière.

Ce jeudi 4 février, à 30 milles marins de Al Khoms, en Libye, aux premières lueurs du jour, un membre de l’équipe de sauvetage posté sur la passerelle repère à la jumelle une embarcation pneumatique en péril. L’alerte est donnée. Les canots de sauvetage sont aussitôt mis à l’eau et se rapprochent de la position. Il y a urgence  :  l’opération s’avère difficile et plusieurs personnes passent par-dessus bord. Mais nos équipes aguerries parviennent à les hisser dans le canot de sauvetage. Ce sont 121 rescapé.e.s, parmi lesquel.le.s 19 femmes et deux enfants en bas âge, qui sont mis en sécurité à bord de l’Ocean Viking.

A peine les équipes ont elles terminé ce premier sauvetage que le Moonbird, l’avion de l’ONG Sea Watch,  signale une seconde embarcation en détresse. Cette fois, ce sont 116 personnes qui seront mises en sécurité à bord de notre “navire ambulance” dont neuf enfants âgés de 12 ans et moins. Sur la passerelle, la veille continue. 

La nuit sera courte. Un peu avant 7 heures du matin, le vendredi 5 février, l’équipe de sauvetage repère une embarcation pneumatique à la jumelle. A 9h, le sauvetage de 70 naufragé.e.s est achevé, dans les eaux internationales, à 40 milles nautiques de Al Khoms. 

Alors même que nos équipes sont toujours engagées dans cette troisième opération, l’Ocean Viking est alerté d’un nouveau cas de détresse à proximité. Il s’agit encore une fois d’un bateau pneumatique.  L’embarcation de fortune est tellement surchargée que l’équipe doit déployer deux radeaux pneumatiques où répartir les naufragé.e.s pour stabiliser l’opération, avant de procéder au transfert des 116 femmes, hommes et enfants vers l’Ocean Viking.
 

Evacuation d’urgence et gestion de la Covid à bord

Ce vendredi après-midi, 423 personnes patientent sur le pont. La distribution d’eau, de nourriture, de vêtements secs et  de masques se poursuit, alors que la clinique ne désemplit pas. On y soigne les rescapé.e.s sans relâche: blessures et séquelles de torture, gale, douleurs, tests de grossesse… « Un cas particulièrement préoccupant  est sous observation : il s’agit d’un jeune Soudanais qui a une grave blessure à la tête après avoir été violemment battu en Libye… » explique Christine, la responsable de l’équipe médicale de SOS MEDITERRANEE.

Une patiente enceinte nécessite des soins intensifs qui ne peuvent être dispensés qu’à terre. En outre, elle et son compagnon sont testés positifs à la Covid-19. Le couple sera évacué en urgence samedi matin par un hélicoptère des Forces armées maltaises. Depuis, des tests rapides ont été menés notamment auprès des personnes rescapées ayant été en contact rapproché avec le couple : certaines d’entre elles seront testées positives. « Nous avions mis en place des procédures pour ce scénario, nous étions préparés et nous sommes en mesure d’isoler les cas positifs et de limiter la propagation de la COVID-19 à bord » déclare Luisa, la coordinatrice des opérations de recherche et de sauvetage à bord de l’Ocean Viking.

Dimanche, l’annonce arrive enfin : ce sera Augusta, en Italie. Le soulagement et la joie éclatent. Les femmes chantent, les enfants courent partout. Certains rient… pour la première fois depuis bien longtemps.

Ce lundi 8 février, les autorités sanitaires italiennes présentes à Augusta ont procédé à des tests de dépistage au Coronavirus en amont du débarquement : 48 personnes rescapées ont été testées positives. Aucun cas positif n’a été signalé parmi nos équipes mais elles seront soumises à une quarantaine de 14 jours.

L’hiver en Méditerranée centrale : des départs qui ne faiblissent pas

Il faut se figurer l’hiver en Méditerranée : des vagues atteignant parfois jusqu’à cinq-six mètres de haut qui menacent de renverser les embarcations de fortune qui s’y aventurent, le vent, le froid qui  engourdit jusqu’à l’hypothermie… Autant de risques qui pèsent sur les femmes, les hommes et les enfants qui tentent de fuir l’enfer libyen en prenant la mer.

Et pourtant, les tentatives de traversée sur des embarcations de fortune sont nombreuses. Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), en fin de semaine dernière, plus de 1000 personnes sont parties de Libye par la mer en 24 heures à peine. La majorité d’entre elles seront interceptées par les garde-côtes libyens et renvoyées vers l’enfer en dépit des conventions et des lois internationales. Nos équipes ont d’ailleurs été témoin d’une de ces interceptions le mardi 20 janvier (pour en savoir plus, c’est ici).

Ce début d’année est aussi marqué par le peu de moyens de sauvetage en Méditerranée centrale.

Qu’il s’agisse des deux navires de l’ONG allemande Sea Watch, de celui de Sea Eye ou du Louise Michel, ou encore du navire italien Mediterraneo, ils sont tous victimes de blocages administratifs et immobilisés à quai. Seule l’ONG espagnole Proactiva, qui vient d’arriver sur zone avec son navire l’Open Arms et son voilier l’Astral, est opérationnelle avec SOS MEDITERRANEE et l’Ocean Viking. Les avions de Sea Watch et de Pilotes volontaires ont par contre pu décoller et assister les rares navires humanitaires dans la recherche des embarcations en détresse. Une aide précieuse tant la zone à couvrir est vaste.

Alors que notre équipe entre en quarantaine après avoir secouru 797 personnes depuis le premiere sauvetage de l’année le 21 janvier dernier, nous savons qu’il nous faut revenir au plus vite sauver des vies en Méditerranée centrale où les besoins sont immenses.

Pour en apprendre davantage sur le contexte en mer ces dernières semaines, lisez les deux dernières éditions de notre série Regards sur la Méditerranée centrale du
3 février 2021 et du 20 janvier 2021.
 

Crédits photos : Fabian Mondl / SOS MEDITERRANEE, Julia Schaefermeyer / SOS MEDITERRANEE  et Hippolyte / SOS MEDITERRANEE

* Rectificatif 15/03/2021