#33 2021, année la plus meurtrière depuis 2017

Cette publication de SOS MEDITERRANEE a pour but de faire le point sur les évènements qui se sont déroulés en Méditerranée centrale au cours des quatre dernières semaines. Il ne s’agit pas de livrer une revue exhaustive des faits, mais plutôt de fournir des informations sur l’actualité de la recherche et du sauvetage dans la zone où nous opérons depuis 2016, sur la base de rapports publiés par différentes ONG et organisations internationales ainsi que par la presse internationale.

En décembre, plus de 240 personnes ont péri en Méditerranée centrale, portant à plus de 1 553 le nombre de morts en 2021, et à 11 depuis le début de l’année 2022.

Décembre a été l’un des mois les plus meurtriers en 2021 en Méditerranée centrale. Le 17 décembre, les médias italiens ont signalé un naufrage au large de Lampedusa, au cours duquel au moins une femme est décédée. Le 21 décembre, Flavio di Giacomo, porte-parole de l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) a révélé que 163 personnes avaient trouvé la mort au large de la Libye. 61 corps ont été retrouvés au large de Sabratha et 102 personnes ont disparu au large de Surman. Plus tard dans la semaine, le 26 décembre, le Croissant Rouge libyen a retrouvé 28 corps sur la plage d’Al-Alous, sur la côte ouest de la Libye.

Dans l’ensemble, 2021 a été l’année la plus meurtrière en Méditerranée depuis 2017, avec au moins 1 553 hommes, femmes et enfants morts en mer, selon l’OIM. Depuis le début de l’année, déjà 11 personnes ont péri en Méditerranée centrale.
 

1 407 personnes secourues sur des embarcations de fortune au cours de 19 sauvetages effectués en décembre par des ONG, l’Ocean Viking de nouveau détenu en janvier.

Malgré des conditions météo difficiles, le nombre de départs sur des embarcations de fortune depuis les côtes libyennes est resté élevé fin décembre. Le mois dernier, 19 opérations de sauvetage ont été réalisées par des navires humanitaires, et 1 407 personnes en détresse ont été secourues.

Le 16 décembre, l’équipage de l’Ocean Viking, le navire de sauvetage affrété par SOS MEDITERRANEE et opéré en partenariat avec la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (IFRC), a secouru 114 personnes en détresse sur un canot pneumatique dans les eaux internationales libyennes, parmi lesquelles deux nouveau-nés. Après sept demandes d’un lieu sûr auprès des autorités maritimes compétentes, Trapani a finalement été assigné comme port de débarquement, la veille de Noël, par les autorités italiennes. Toutes les personnes rescapées ont débarqué le 25 décembre, neuf jours après le sauvetage. Le 10 janvier, après une inspection de plus de onze heures, l’Ocean Viking a été placé en détention par les autorités italiennes dans le port de Trapani, en Sicile, un peu plus d’un an après avoir été libéré à l’issue de cinq mois de détention administrative.

Entre le 16 et le 17 décembre, l’équipage du Sea-Eye 4 a secouru 223 personnes au cours de quatre opérations de sauvetage. Après quatre évacuations médicales par les garde-côtes italiens, les autorités italiennes ont assigné Pozzallo comme port sûr pour les personnes rescapées, le 23 décembre. Toutes ont débarqué le lendemain dans le port sicilien.

Le 16 décembre, l’équipage du Rise Above a secouru 66 personnes à bord d’une embarcation en bois en détresse au sud de Lampedusa. Elles ont été autorisées à débarquer à Porto Empedocle le 20 décembre.

Entre le 17 et le 24 décembre, l’équipage du navire Geo Barents de MSF a secouru 558 personnes en détresse au cours de huit opérations de sauvetage. Le 28 décembre, Augusta a été assigné comme port sûr. Les opérations de débarquement se sont terminées le 30 décembre.  Le Geo Barents a commencé une nouvelle mission le 14 janvier.

Entre le 24 et le 26 décembre, l’équipage du Sea-Watch 3 a secouru 446 personnes au cours de cinq opérations de sauvetage. Après une évacuation médicale et la fourniture de provisions par les garde-côtes italiens, Pozzallo a finalement été assigné comme lieu sûr pour les rescapé.e.s resté.e.s à bord. Le débarquement s’est terminé le 2 janvier.

Le 3 janvier, les membres de l’équipage du Louise Michel ont annoncé leur nouvelle mission en Méditerranée centrale, seize mois après leur dernière opération. Le lendemain, après avoir été alertés par l’avion Seabird de Sea-Watch, ils ont secouru 31 personnes dérivant sur une embarcation en bois. 80 personnes auraient grimpé sur la plateforme pétrolière Shell de Miskar et y seraient restées une nuit, avant d’être ramenées en Tunisie par la marine nationale tunisienne. Les 31 rescapé.e.s à bord du Louise Michel ont finalement pu débarquer à Lampedusa, suivant les directives des autorités italiennes. Le navire a repris la mer le 16 janvier en direction de la Méditerranée centrale.

Le 15 janvier, quinze mois après sa dernière mission, le Mare Jonio, navire de sauvetage de Mediterranea Saving Humans, a repris ses opérations en Méditerranée centrale.

Une personne sur deux fuyant la Libye a été ramenée de force en 2021, un nombre d’interceptions trois fois plus élevé qu’en 2020

Selon l’OIM, en 2021, près d’une personne sur deux tentant de fuir la Libye par la mer a été interceptée et ramenée de force. En tout, au moins 32 425 personnes ont été interceptées par les garde-côtes libyens en 2021, presque trois fois plus qu’en 2020. Au cours de la période du 19 au 25 décembre uniquement, 969 personnes ont été ramenées de force en Libye. Au même moment, un nouveau rapport d’Euro-Med Human Rights Monitor décrivait l’implication des autorités libyennes dans « des pratiques illégales envers les migrants et les demandeurs d’asile ».

En Libye, le 2 décembre, l’UNHCR a annoncé la fermeture de son centre d’accueil de jour communautaire à Tripoli, à cause des manifestations qui avaient lieu devant le bâtiment depuis les raids menés par les autorités libyennes contre les maisons et les logements provisoires utilisés par les migrant.e.s, les demandeur.se.s d’asile et les réfugié.e.s dans la région de Gargaresh le 1er octobre. Depuis, des centaines de personnes ont perdu leur abri et sont laissées sans domicile, sans solution d’hébergement. Le 10 janvier, selon l’Associated Press, les forces de sécurité libyennes ont violemment réprimé les manifestations et arrêté plus de 600 personnes réunies devant le centre d’accueil communautaire. Elles ont été envoyées dans un centre de détention à Aïn Zara.

Le 22 décembre, l’élection présidentielle qui devait débuter le 24 décembre a été reportée après l’échec des autorités à fournir une liste de candidats éligibles.

Le devoir d’assistance en mer rappelé par un juge italien

Le 23 décembre, les accusations contre Carola Rackete ont été abandonnées. Micaela Raimondo, juge au tribunal d’Agrigento, a déclaré que la capitaine allemande du Sea-Watch « avait accompli son devoir d’assistance en vertu du droit maritime national et international » en entrant dans le port de Lampedusa en juin 2019 avec 40 rescapé.e.s à son bord.

Photo : Sebastian Sele / SOS MEDITERRANEE