251 personnes secourues : “En Libye, les gardiens de prison tuent des gens et les jettent dans un trou” (témoignage)
28 août 2017

L’Aquarius, bateau de sauvetage affrété par SOS MEDITERRANEE et opéré en partenariat avec Médecins Sans Frontières a secouru deux embarcations ce dimanche 27 août, dans les eaux internationales à l’est de Tripoli. En tout 251 personnes – dont 26 femmes, 5 enfants de moins de 5 ans et 29 mineurs non accompagnés – ont été secourues et acheminées en sécurité à bord de l’Aquarius.

2 sauvetages, 251 personnes sauvées par les ONG

A 6:30 dimanche matin, le centre de coordination des secours de Rome (MRCC) a demandé à l’Aquarius de SOS MEDITERRANEE de rechercher activement une embarcation en détresse signalée à 20 miles marins des côtes libyennes, signalant toutefois que les gardes côtes Libyens, avertis de la présence de cette embarcation, pourraient prendre en charge les opérations de secours.

Après avoir repéré l’embarcation en détresse à 24 milles marins des côtes et en l’absence d’autres unités navales dans la zone, les sauveteurs de l’Aquarius ont procédé à la première assistance de l’embarcation en difficulté distribuant des gilets de sauvetage aux 116 personnes qui se trouvaient à bord du canot pneumatique.

            Une importante fuite d’essence au fond du canot pneumatique risquait de provoquer de graves brûlures aux personnes assises à l’intérieur de l’embarcation et nécessitait une intervention urgente. Face à l’urgence de la situation et en l’absence d’unités navales des gardes côtes Libyens à proximité, le MRCC Rome a alors autorisé le transfert des 116 personnes à bord de l’Aquarius, où les naufragés ont été pris en charge par le personnel médical de MSF.

Cette première opération de sauvetage accomplie, le MRCC a ensuite indiqué aux bateaux d’ONG présentes dans la zone à l’est de Tripoli, la présence d’une seconde embarcation en détresse. Le bateau Open Arms, de l’ONG ProActiva, a repéré peu après le canot pneumatique, procédé à la distribution de gilets de sauvetage, puis participé au transfert des 135 personnes à bord de l’Aquarius de SOS MEDITERRANEE.

Les 251 personnes, originaires du Mali (63), du Soudan (61), de Côte d’Ivoire (39), d’Egypte (18), du Ghana (10) et d’autres pays d’Afrique de l’Ouest et de la Corne de l’Afrique se trouvent actuellement en sécurité à bord de l’Aquarius.

Plusieurs patients ont été pris en charge par le personnel médical de Médecins Sans Frontières, pour la prévention des brûlures dûes à l’essence (les personnes ayant les vêtements baignés de fioul), de déshydratation et de blessures liées à des mauvais traitements subis en Libye.

Les traversées se déplacent à l’est de Tripoli

Selon les récits des personnes secourues, les embarcations seraient parties de Khoms, à l’est de Tripoli. “Les deux opérations de sauvetage de ce dimanche ont eu lieu dans les eaux internationales à l’est de Tripoli, alors que la plupart des sauvetages depuis le début de l’année s’étaient déroulées à l’ouest de Tripoli, au large de Sabratha” a indiqué Nicola Stalla, le coordinateur des secours de SOS MEDITERRANEE à bord de l’Aquarius.

“Une baisse temporaire des traversées en Méditerranée Centrale au départ de la Libye a été observée depuis la fin juillet, mais la plupart des ONG, dont SOS MEDITERRANEE, n’ont pas pour autant cessé leurs activités de recherche et sauvetage. Ce dimanche, l’Aquarius et Open Arms ont sauvé la vie de 251 personnes. Dans l’un des canots, une fuite d’essence risquait de provoquer de graves brûlures à plusieurs passagers. Que serait-il arrivé à ces hommes, femmes et enfants en grande détresse si les bateaux humanitaires dotés de structures médicales à bord n’avaient pas été là à temps?” a déclaré Sophie Beau, vice-présidente de SOS MEDITERRANEE.

Témoignage: “Les gardiens de la prison, ils tuent des gens, et ils les jettent dans un trou”

 Les personnes secourues témoignent d’une situation d’extrême violence en Libye. Le fouet, c’est le matin, le midi et le soir. C’est notre repas” a raconté à une volontaire de SOS MEDITERRANEE un jeune Camerounais d’une vingtaine d’années qui a passé 6 mois en détention en Libye. “Les libyens nous battent tout le temps, sans raisons. Ils nous mettent en prison, sans motif. Les gardiens de la prison, ils tuent des gens, et ils les jettent dans un trou. Ils ne referment le trou qu’une fois qu’il est rempli de corps”.

“Nous avons tous tellement souffert. Toutes les personnes que vous voyez ici ont traversé beaucoup d’épreuves, ils sont morts à l’intérieur depuis longtemps, même leurs familles doivent croire qu’ils sont morts. Aujourd’hui c’est comme une résurrection” a poursuivi le jeune camerounais, qui a expliqué avoir été témoin d’une scène de torture au cours de laquelle les gardes libyens frappaient la tête d’un prisonnier pendu par les pieds “comme dans un ballon”.

Appel à l’Europe : “Entendre ces témoignages avant qu’il ne soit trop tard”

“La première chose que racontent les naufragés lorsqu’ils arrivent à bord, ce n’est pas le traumatisme de la traversée en mer. Ce qu’ils évoquent avant tout, c’est ce qu’ils appellent “l’enfer libyen” : séquestrations, viols, extorsion de rançons sous la torture, maltraitances et humiliations, travaux forcés, marchés d’esclaves… Les migrants sont en proie à un trafic humain à grande échelle. SOS MEDITERRANEE appelle les Etats européens et méditerranéens à entendre ces témoignages terrifiants avant qu’il ne soit trop tard et que d’autres personnes meurent en mer en tentant de fuir la Libye, ou ne soient refoulées et renvoyées entre les mains de leurs bourreauxa encore plaidé Sophie Beau, vice présidente de SOS MEDITERRANEE.

Depuis le début de l’année 2017, l’Aquarius a accueilli à son bord 11.166 personnes. 8.903 ont été secourues directement par les équipes de SOS MEDITERRANEE, 2263 ont été accueillies à bord après un transbordement.