Un portrait

Une histoire

Angèle*

Cameroun

Pays d'origine

27 ANS

Âge

22/01/2021

Date de sauvetage

Avertissement 

Les éléments établis dans ces témoignages sont exclusivement tirés des propos tenus par les personnes rescapées secourues par nos équipes depuis 2016 et de nos observations en mer.

Certains récits de vie relatés ici comprennent des scènes d’une rare violence - torture, viol, extorsion, mise à mort et naufrage – qui sont très explicites. Nous préférons vous en avertir.

Les prénoms des personnes qui témoignent ont été modifiés pour préserver leur anonymat et leur sécurité.

De nombreuses organisations intergouvernementales comme le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) ou l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) ont amplement documenté et corroboré ces récits, notamment en ce qui concerne les violences – y compris sexuelles – subies lors du parcours migratoire, en Libye et en mer.

Avertissement – contenu très sensible : le récit de la jeune femme contient des descriptions de violences sexuelles très dures et difficiles à lire.   
 


« Je me suis échappée parce qu’ils m’ont laissée pour morte. » 

Angèle* est l’une des 68 femmes et jeunes filles secourues en janvier 2021 par l’équipe de SOS MEDITERRANEE à bord de l’Ocean Viking. Cette Camerounaise de 27 ans souffre d’un mal de tête sévère et persistant depuis qu’elle a été retenue captive dans un centre de détention notoire en Libye.  

 

Angèle souhaitait partager son histoire, afin de parler des abus dont elle a été à la fois victime et témoin lors de sa détention arbitraire. 

 

Il n’y a pas de nom pour ce qu’ils nous font. 

« J’ai été emprisonnée pendant cinq mois. La pire : la prison d’Oussama. Mes parents ont payé la rançon pour me faire sortir, mais ils [les gardiens libyens] ne m’ont pas laissée partir. Ce qu’ils font aux femmes là-bas, on ne peut même plus appeler ça du viol. Il n’y a pas de nom pour ce qu’ils nous font. C’est tous les jours.  

 

Ce qu’ils font aux femmes là-bas, on ne peut même plus appeler ça du viol.   

 

Mais les voir violer des garçons et des bébés, c’est pire. Ils obligent les petits enfants à faire des choses. Si la mère essaie de les arrêter, ils la violent. Ils ont des armes, des barres de fer, ils éteignent leurs cigarettes sur ton corps. Et ils filment tout. Ils ont tous des téléphones, ils filment tout.  

  

Ils vous violent devant votre bébé, devant votre enfant, ils s’en fichent. Si vous allez en prison avec votre mari, ils violent votre mari devant vous.  

  

Je me suis échappée parce qu’ils m’ont laissée pour morte. Ils m’ont jeté dans un conteneur dehors, complètement nue. C’est comme ça que je me suis échappée.  

  

Là où nous restons (quand nous ne sommes pas en centre de détention), nous appelons ça des « foyers ». Ce sont de vieilles maisons, où nous dormons assis.ses. Il peut y avoir 100 personnes, 200 personnes, des femmes, des enfants. Ce sont des bâtiments abandonnés, des sous-sols, des immeubles inachevés. Ce ne sont pas des endroits sûrs.  

 

Je me suis échappée parce qu’ils m’ont laissée pour morte. Ils m’ont jeté dans un conteneur dehors, complètement nue.

 

Prendre contact avec les ONG est pratiquement impossible. Vous risquez d’être renvoyé.e en prison. Le jour où les humanitaires effectuent des visites (dans les centres de détention), les gardiens vous habillent correctement. Ils vous donnent à manger, pour que l’on pense que vous allez bien.  

  

Il n’y a pas de retour possible. Il n’y a aucun retour possible.  

 

En prison, j’ai vécu l’enfer sur terre. 

À un moment donné, le viol n’avait plus aucune signification pour moi. Je les laissais faire. Si tu refuses, ils peuvent te tuer. Ça arrive tous les jours.  

Si tu as de la chance, ils peuvent te vendre.  

Si tu as de la chance, tu es achetée par quelqu’un qui te traite mieux.  

Parce qu’ils ont tous besoin de travailleur.se.s domestiques. Les riches viennent le matin, ils se renseignent sur les prix. Tu peux être vendue, et tu peux avoir de la chance.  

  

J’avais une amie qui n’a pas eu de chance. L’homme qui l’a achetée était encore plus pervers que ceux de la prison. Elle n’a pas survécu.  

  

Il faut avoir de la chance : j’ai vécu cinq mois d’enfer.  

 Je me disais que si les garde-côtes libyens venaient nous intercepter, je me jetterai à l’eau.  

En prison, j’ai vécu l’enfer sur terre.  J’ai vécu pire que l’enfer.  

J’ai des brûlures de cigarettes partout. Je porte les preuves de ces violences sur tout le corps ».  

  


Crédit photo : Hannah Wallace Bowman / MSF

* La photo d’illustration et le nom de la personne qui témoigne ont été changés pour protéger l’identité de la rescapée.  

 

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