Un nouveau record dramatique :1032 naufragés secourus par l’Aquarius
28 juin 2017

Au moment-même où SOS MEDITERRANEE recevait mardi 27 juin le Prix Houphouët-Boigny pour la recherche de la Paix à l’Unesco à Paris, les équipes de sauveteurs de SOS MEDITERRANEE et MSF portaient quant à eux secours à 1032 personnes en pleine mer Méditerranée, dans les eaux internationales, au large de la Libye. L’Aquarius fait désormais route vers le sud de l’Italie pour le débarquement jeudi après-midi. 12.000 personnes ont été secourues en Méditerranée au cours des dernières 48h00 selon les gardes-côtes italiens.

Au lever du soleil sur une mer plate mardi, l’Aquarius a reçu les premières instructions du centre de coordination des secours (MRCC de Rome). Pas de surprise : la veille, alors que le bateau naviguait vers la zone de sauvetage, plus de 5000 personnes étaient secourues en mer par d’autres ONG dépassées par le nombre d’embarcations en détresse et par des navires de la marine marchande appelés en renfort.

A six heures du matin mardi, les deux RHIBs de l’Aquarius étaient mis à l’eau et les équipes de sauveteurs débutaient le transbordement de 740 personnes secourues quelques heures plus tôt par un navire marchand. Ce n’était que le début d’un marathon de 12h de secours non stop, devenu presque habituel en Méditerranée depuis cet hiver pour les équipes de SOS MEDITERRANEE et MSF.

Ce transfert achevé, un bateau pneumatique en difficulté avait déjà été repéré par le capitaine sur la passerelle et le coordinateur des secours, Hauke Mack, donnait le feu vert aux opérations de sauvetage. 153 personnes ont été ainsi été secourues et accueillies saines et sauves à bord de l’Aquarius. Mais la journée n’était pas terminée. Un autre bateau pneumatique, dans une mauvaise situation, était encore signalé. “Les bonnes conditions météo ont aidé à éviter tout incident pendant le sauvetage. Mais heureusement qu’un tanker s’est positionné pour protéger le deuxième bateau pneumatique de la houle et du vent, sinon, vu les conditions de l’embarcation, car le pire aurait pu arriver” a expliqué le SAR Coordinator, alors que 139 personnes étaient conduites saines et sauves à bord de l’Aquarius.

Tandis que SOS MEDITERRANEE, association civile européenne, recevait à Paris, sous les honneurs, le prix Houphouët Boigny pour la recherche de la Paix décerné par l’UNESCO, en Méditerranée, l’Aquarius enregistrait un nouveau record dramatique : 1032 naufragés à bord. Sains et saufs.

Ces 1032 personnes sont originaires de plus de 26 pays différents, majoritairement d’Afrique de l’Ouest mais aussi d’Erythrée (486) et Somalie (80), du Bangladesh ou du Yémen. Le plus jeune, un nouveau né âgé d’à peine une semaine et un jour; et le plus âgé, un homme de 71 ans. Enfin, confirmant une tendance observée depuis le début des opérations, 230 des 255 mineurs actuellement à bord ne sont pas accompagnés.

Déshydratés, traumatisés, pour certains la peau brûlée par le mélange d’eau de mer et de carburant, tous les réfugiés ont été pris en charge par les équipes médicales de Médecins Sans Frontières et les volontaires de SOS MEDITERRANEE, tandis que l’Aquarius prenait la direction du nord, vers un port de l’Italie du sud.

Au même moment, à la tribune de l’UNESCO, Sophie Beau co-fondatrice et vice-Présidente de SOS MEDITERRANEE, dénonçait « l’enfer libyen » évoqué par les naufragés à bord de l’Aquarius. “Séquestrations, viols, extorsion de rançons sous la torture, maltraitances et humiliations, travaux forcés, marchés d’esclaves… Les migrants sont en proie à un trafic humain à grande échelle qui fait ressurgir du passé l’ombre de la traite négrière ; la négation de l’humanité” dénonçait la cofondatrice de SOS MEDITERRANEE devant plusieurs responsables gouvernementaux européens et africains.

Une réalité horrifiante, malheureusement confirmée par les récits des 1032 personnes secourues. “La Libye c’est un enfer” raconte à une volontaire de SOS MEDITERRANEE Peter, Nigerian de 33 ans. “J’ai décidé d’aller en Libye pour le travail, après la mort de mes parents. Mais c’était un enfer, même les enfants étaient armés. Des hommes armés m’ont enlevé, ils m’ont ligoté avec du scotch et m’ont électrocuté. Quand je me suis réveillé, je ne savais plus où j’étais. J’ai payé 2000 dinars pour ma libération. Un homme m’a escorté là où je gardais mon argent, parce qu’en Libye il n’y a pas de banques. Et puis après, il m’a poussé dans le coffre d’une voiture et m’a jeté au milieu d’une rue. C’est là que j’ai décidé de m’échapper par la mer, mais la première fois, j’ai été refoulé. On m’a envoyé en prison pendant un mois. Là-bas, ils te donnent un demi-pain par jour, à 9h00 le matin, ils mettent de la drogue dans le reste de la nourriture. Ils savent que nous avons faim et ils proposent des spaghetti, mais c’est empoisonné : après avoir mangé cela, tu es malade, tu ne vois plus de loin et tu n’es plus capable de bouger. C’est pour éviter qu’on s’enfuie. J’ai de nouveau payé 1000 dinars pour sortir de prison. Et j’ai tenté de nouveau de monter sur un canot. Je n’ai pas vraiment payé pour la traversée, j’ai donné tout ce qu’il me restait” explique le jeune homme, épuisé, secouru à bord d’un canot pneumatique par un bateau de la marine marchande. “Maintenant je n’ai plus rien, juste la vie sauve”.

Depuis lancement des ope?rations de sauvetage en fe?vrier 2016, SOS MEDITERRANEE a porté secours avec son navire l’Aquarius à 20.513 hommes, femmes et enfants en mer – dont 9.252 depuis début 2017 – au cours de 121 opérations de sauvetage.